Science et technique | Viticulture | 11/08/2003
EUROPE : Sud de la France : Canicule et vinifications
Devant le caractère exceptionnel du millésime 2003, les conditions climatiques anormales sont à prendre en compte.
Nos correspondants européens sont tous unanimes pour constater ce caractère.
CRESPY André vous adresse des observations et commentaires techniques sur la situation dans le sud de la France.
Au 10 août, les vendanges sont déjà commencées en Ardéche.
Les prévisions pour le Beaujolais se situent entre le 20 et 25 Août le début de la récolte…
Le millésime 2003 est parti pour être tout à fait exceptionnel, après un début assez hésitant et bien arrosé, surtout en Languedoc-Roussillon, le petit retard de végétation constaté en mai a été rapidement rattrapé dès les premiers jours de juin.
Ainsi le 6 juin, on enregistrait un pic à 33°5 à Sallèles d'Aude, suivi de plusieurs jours à plus de 30° (t° maxi).
Le 16 juin la t° maxi dépassait 40°, puis le 21 juin on arrivait à 42,2° c. Le mois de juillet voyait la chaleur se maintenir, les maxima oscillant entre 31°5 et 40°4 (poste de Sallèles).
Les postes de Puicheric (Aude) et de Limoux (Aude) indiquaient également des températures très élevées, de même que ceux de l' Hérault et du Gard. Le début du mois d'août prolonge ces fortes chaleurs, météo-France indiquant une poursuite de la canicule jusqu'au 10 août. Comparaison des températures moyennes mensuelles de juin, juillet et début août de 2003 par rapport aux normales.
On peut traduire ces chiffres en sommes de température supplémentaires reçues par la vigne pendant cette période caniculaire.
L'incidence de ce supplément sur les dates normales de maturité, traduite en nombre de jours, indique un gain de précocité d'environ 20 jours.
Ce gain de précocité ne sera pas le même pour tout le vignoble : en effet les vignes souffrant de la sécheresse voient la maturité très ralentie ou même complétement bloquée.
D'autres phénomènes, ayant une incidence sur la qualité de la vendange, interviennent. Ainsi les fortes chaleurs entraînent une dégradation rapide de l'acidité malique (travaux de Coombe, Buttrose, Kliever...etc) et une augmentation de la teneur en potassium des baies. On peut donc s'attendre à des acidités faibles.
La couleur, qui se forme préferentiellement à des températures moyennes journalières de 20°c avec des écarts de températures «jour-nuit» importants (10° c ou plus) va avoir beaucoup de mal à s'accumuler dans les pellicules et sera très instable. On peut s'attendre, d'ores et déjà, à des chutes importantes d'intensité colorante, après malo (FML) sur les cépages fragiles comme le Grenache noir, le Gamay, le Pinot noir, Le Niellucio, et sans doute le merlot car il va mûrir vite sous de fortes chaleurs.
On constate une augmentation du potentiel «anthocyanes» sur le secteur de Limoux (zone traditionnellement «fraîche» pour le midi) et des diminutions importantes dans les autres secteurs plus chauds.
L'indice de fraîcheur des nuits, compte tenu de la maturité intervenant à cheval sur août et septembre, va se déplacer vers la catégorie «nuits chaudes» correspondant à des couleurs plus faibles et des acidités insuffisantes.
Enfin, il est probable que les niveaux aromatiques seront inférieurs à ceux obtenus en année normale.
Toutes ces conditions climatiques doivent inciter les vinificateurs des zones chaudes du midi à prendre des précautions pour ce millésime 2003. En particulier les apports de tanins à l'encuvage, sur cépages fragiles, doivent d'ores et déjà être envisagés. Les tanins de raisins sont particulièrement recommandés car ils s'intégrent très bien dans la charpente tannique des vins (même origine), stabilisent bien la couleur, le tout sans développer d'astringence ou d'amertume.
Il faudra songer également à maintenir les niveaux de SO2 en raison des faibles acidités probables.
Beaucoup de raisins exposés au soleil couchant, ou brulés par un soufrage (aussi bien en soufre poudre qui en soufre mouillable), ou découverts brusquement suite à un effeuillage ou à des rognages sévères, présentent des lésions sur les pellicules. Ces parties nécrosées sont fragiles et susceptibles de se fendre en cas de pluie avant vendanges.
Elles ne laisseront peut être pas le loisir d'attendre des maturités élevées comme on a tendance à le faire ces dernières années. De plus les faibles acidités, liées à la canicule, vont encore chuter un peu plus en cas d'attente trop longue. D'autres solutions comme les moûts concentrés rectifiés peuvent présenter des avantages indéniables dans ces conditions.
Le millésime 2003 paraît, effectivement, tout à fait exceptionnel. Bonnes vendanges.
© Revue des oenologues

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