Vin et Société | Billet d'Humeur | 04/08/2004
FRANCE : la nuit du 4 août avait aboli les privilèges ! ...
C'est sous ce titre que Robert Gentié, pépiniériste nous propose ses réflexions estivales.
Nos aïeux se sont battus pour l'abolition des privilèges.
Le peuple de France qui se dit progressiste, se dévoile pourtant, pour une partie, comme le plus conservateur d'Europe.
Sous couvert, de ce que l'on nomme les "avantages acquis", chaque corporation défend ce qu'il faut bien appeler ses privilèges.

Tous nos gouvernants, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont en réalité confrontés à cette puissance corporatiste minoritaire, capable de bloquer l'économie du Pays. Toute grande réforme susceptible de grignoter un peu sur ces avantages acquis est ainsi vouée, sinon à l'échec, du moins à être amandée jusqu'à la vider de l'essentiel. Ce sont ceux qui prétendent représenter le progrès social, souvent bien installés dans la sécurité de leur emploi, ou d'une confortable retraite, bénéficiant de multiples avantages, qui n'ont pas honte de bloquer sur les quais des gares, ou de toute autre manière, ceux qui veulent travailler. Par des grèves d'avertissement, bien avant que ces fameux privilèges soient mis en cause, ils n'hésitent pas à mettre dans la galère des centaines de milliers de travailleurs ou de personnes agées, bien moins nantis qu'eux-mêmes dans ces acquis qu'ils défendent.
Cette minorité, se réclamant pourtant de nos principes républicains, semble oublier le sens de ce que veut dire "Liberté, Egalité, Fraternité". Peu lui importe, alors, d'écraser les petits copains, d'attenter à leur liberté de circulation ou de travail, l'essentiel étant de défendre son bout de gras qui peut, d'ailleurs souvent, être qualifiés de gros.

Le droit de grève est sacré, mais il ne devrait être utilisé, pour des revendications, que dans le souci d'une réflexion citoyenne justifiée. Cela serait, sans doute, le cas si tous les salariés étaient syndiqués.
Nous allons, par exemple, vers l'asphyxie en matière de circulation routière. Il serait indispensable de s'orienter vers le ferroutage afin de dégorger nos autoroutes de ces camoins qui traversent la France pour aller d'un pays à l'autre. Le problème, c'est que notre S.N.C.F. ayant, par rotation, presque toujours quelque secteur en grève, les transporteurs étrangers clament haut et fort qu'ils ne mettront jamais leurs camions sur des trains français tant qu'ils n'auront pas l'assurance d'un acheminement fiable, respectant les délais.

La pépinière, comme les autres secteurs d'activité, est soumise à la plaie des 35 heures et des charges qui plombent nos prix de revient par rapport à nos pays voisins. Ces 35 heures, dont aucun pays européen ne veut, nous ont valu, au cours de ces dernières années, les quolibets amicaux de nos collègues étrangers lors des réunions du Comité International des Pépiniéristes (C.I.P.). Nos amis observaient, en effet avec une fraternelle ironie, que nous nous sabordions sans qu'il y ait besoin d'une politique commerciale offensive, de leur part, afin que les marchés français (de toute nature) leur tombent du ciel.

Nos voisins allemands l'on bien compris, eux qui après les ruines de 1945, avaient su se retrousser les manches pour nous dépasser sur le plan économique, en un temp record, quelques années après. Leur sens du réalisme vient à nouveau de se réveiller chez eux, avec le cas "Siemens" où les syndicats ouvriers ont parfaitement pris conscience que, pour sauver leur entreprise et ses emplois, il valait mieux, pour le même salaire, travailler 5 heures de plus par semaine. Devant la concurrence internationale, d'autres usines et leurs ouvriers sont prêts à leur emboîter le pas afin de garder leur outil de travail dans leur pays. Dans la difficulté, ils sont capables de faire abstraction de leurs différences politiques et idéologiques en prenant conscience que la famille de la maison Allemagne doit sauvegarder son patrimoine avec ses emplois. Ils préservent ainsi l'avenir pour les générations futures, au prix de sacrifices. C'est peut-être bien là le véritable sens de faire du social.

Mais voici qu'à Vénissieux, un espoir citoyen vient de naître, puisque les ouvriers "Bosch" viennent d'accepter de travailler plus, de bloquer leurs salaires et de renoncer à des avantages acquis pour sauver et garder leur usine. Cela permet d'espérer que la France peut se réveiller de sa torpeur et, si l'exemple est suivi, puisse se remettre en selle.
En effet, se cramponner à des privilèges qu'on appelle des "acquis sociaux" au risque de vider un pays de ses possibilités de créativité et de production, c'est prendre le risque de léguer un désert économique à la génération suivante dans le marché concurrentiel mondial.
Il y avait fort à craindre que les Français, ne soient pas capables de faire taire leurs différences idéologiques pour se serrer les coudes et sauver ce qui peut l'être encore. Ce geste fort semble prouver que nous avons encore les capacités pour un sursaut de réalisme économique.

Il est curieux de constater que la somme nécessaire au financement annuel des 35 heures correspond à celle du déficit de la Sécurité Sociale !... La majorité des syndicats s'oppose à revoir cette loi. Quand on sait que ces mêmes syndicats ne représentent qu'environ 10 % des salariés, il est permis de se demander ce que pensent les autres 90 % qui subissent leurs décisions. Ce ne sont pas les défilés de ces minorités, avec des banderoles qui nous épargneront le vide qui est en train de se créer en matière d'entreprises et d'emplois. Ce conservatisme maintien l'opinion dans l'esprit de la France des années 50 où il était possible de produire et vendre dans un marché régulé et porteur, bien loin de l'actuelle mondialisation des échanges. Un réveil trop tardif du civisme de la famille France n'en serait que plus douloureux et risquerait d'être irrattrapable... Il est vrai qu'il nous resterait la satisfaction de figurer dans l'Histoire pour avoir inventé l'aberration de la destruction de notre économie par les 35 heures...

Mais il semble que nous sommes à la veille d'une réforme profonde en la matière. Pour peu que le goût du travail renaisse en notre France, il en encore permis d'espérer.

Source : Bulletin d'information "Le pépiniériste" n°157 - Pépiniériste Viticole Française

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