Le "plus grand vignoble du monde" n’a jamais été le vignoble français, en nombre d’hectares, mais le vignoble espagnol : 1 million 150 000 ha à ce jour, soit environ 27 % de plus que le vignoble français ou italien (chiffres de l’OlV pour "toutes vignes"). Mais les rendements du vignoble espagnol ont, globalement, longtemps été extrêmement faibles : 22 hl/ha sur la moyenne des 12 années 85/96. Au même niveau donc que le vignoble voisin du Portugal (23 hl/ha sur la même période). Avec des variations annuelles d’ailleurs très comparables entre ces deux pays voisins... du moins jusqu’en 1996. Mais depuis les 4 dernières récoltes, les rendements espagnols décollent : • Le niveau "record" de rendement qui était celui de l’Espagne jusqu’en 96 a d’abord été atteint en 96, puis nettement battu 4 fois de suite • Le rendement moyen des 4 dernières récoltes espagnoles est donc de 40 % supérieur au rendement moyen des 12 années précédentes... • Alors que dans le pays voisin du Portugal, rien de tel ne s’est produit : la courbe des rendements y garde le même profil et les mêmes moyennes qu’auparavant. L’hypothèse d’un changement climatique (dont personne n’aurait parlé, qui se serait arrêté aux frontières du Portugal et qui durerait depuis 4 ans) est bien peu plausible ! Par contre, le changement de réglementation de l’irrigation des vignes en Espagne pourrait être une meilleure explication : après avoir longtemps été interdite, l’irrigation des vignes est aujourd’hui systématiquement autorisée par le gouvernement espagnol (comme l’Europe en laisse toute latitude aux États membres). Cette irrigation permet de remplacer les vieux cépages et des anciens modes de conduite par des cépages et des modes de conduite plus productifs… D’autant plus productifs qu’ils bénéficient de l’irrigation... Il semble que c’est ainsi que le renouvellement d’une partie du vignoble espagnol se ressent déjà nettement dans le niveau de rendement moyen de la totalité du vignoble… Il ne s’agit évidemment pas de reprocher aux espagnols d’avoir des rendements moyens moins dérisoires qu’auparavant… surtout au sein d’une Europe viticole où certaines régions ont, depuis longtemps, des rendements de 130 hl/ha (Allemagne, Charentes…) Il ne s’agit pas non plus de suggérer une même évolution en France ! Il s’agit par contre d’attirer l’attention sur les 3 considérations suivantes • Ceux qui ont assuré que les possibilités d’irrigation des vignes en Espagne étaient "très limitées" par manque d’eau ont été de bien mauvais conseil : même sous le très aride vignoble de la Mancha, l’eau se trouve souvent à 100 mètres. C’est profond, mais pas inaccessible… et très rentable quand cela permet, à la fois de quadrupler les rendements et de remplacer un mauvais cépage par un bon. Et avec les nouvelles primes à la plantation de 30 000 à 40 000 F/ha, cela va devenir encore plus rentable… L’augmentation des rendements espagnols ne fait donc peut-être que commencer ? Or, les 4 années passées font déjà 10 M d’hectolitres de plus par an sur le marché européen. • La nouvelle OCM-VINS ayant fait disparaître la "force de dissuasion" de la distillation obligatoire par pays, il n’y a aucun obstacle à l’inflation de la production de tel ou tel pays. Qu’il s’agisse de l’Italie (qui a exigé cette disparition) de l’Espagne (qui a tous les moyens de cette inflation) de tout autre pays qui imiterait l’Espagne (Portugal, Grèce, futurs adhérents… ?) ou même de la France ? (où les rendements viennent d’atteindre, 2 fois de suite, un niveau à peine atteint 1 seule fois depuis 14 ans, c’est-à-dire depuis l’instauration de la distillation obligatoire. "Coïncidence" à suivre…). • Les augmentations de la production mondiale de vins ne proviendront donc pas seulement des "nouveaux pays producteurs" : L’éventuel doublement du vignoble australien représenterait beaucoup moins de volumes que l’augmentation des rendements espagnols… d’ores et déjà constatée. Or cette augmentation espagnole porte, elle aussi en bonne partie, sur des cépages de qualité et sur des productions de plus en plus "industrialisables" car plus régulières : - Régulières en volumes, par l’irrigation et des situations phytosanitaires privilégiées, - Régulières en prix de vente, justement grâce à cette régularisation des volumes… En un mot, l’augmentation de la production de vins n’est pas seulement un problème mondial et à plus ou moins court terme. C’est aussi, et déjà, un problème européen. Source : Cevise |