lg
AccueilsepLivres et ouvragessepcommandersepqui sommes noussepenglishend
omb
omb omb

GEVREY CHAMBERTIN ET SES VIGNOBLES

PREFACE

es fils de fonctionnaires naissent et grandissent au hasard des nominations de leur père. C’est ainsi que né à Lons-le-Saunier et rapidement scolarisé à Lyon, j’ai, dès mon jeune âge, encerclé le vignoble de Bourgogne. Au temps lointain où je grandissais entre la rue Molière et le Lycée Ampère, on ne buvait guère de Bordeaux à Lyon. Le Cep Vermeil assurait l’ordinaire, le Beaujolais les fêtes occasionnelles… le Bourgogne les fêtes exceptionnelles. L’administration des PTT ne payait pas beaucoup ses fonctionnaires et les Grands Crus étaient hors de portée des moyens familiaux.

Quand ma mère s’aventurait jusqu’au Mercurey, c’est qu’elle avait mis les verres de cristal et sorti les assiettes du service où s’entrelaçaient des nymphes et des fleurs géantes. J’ai découvert la Côte de Nuit à dix-huit ans, lorsque mes premières escapades théâtrales m’amenèrent à jouer la comédie dans un périmètre autour de Lyon. Je fis la connaissance de quelques jeunes restaurateurs, dont certains étaient dans l’attente fiévreuse de leur première étoile. Ils m’ont conforté dans l’apprentissage de saveurs que j’avais expérimentées en tâtonnant dans les stalles des Halles des Cordeliers, ils ont aujourd’hui trois étoiles, voyagent entre Tokyo et New York, mais notre amitié ne s’est jamais altérée. Je leur dois d’avoir décidé, au matin de ma vie, qu’en matière de vin, il n’y avait rien au-dessus de la Bourgogne. Quelques vendanges sont passées depuis et je n’ai pas changé d’avis. Je pense toujours que du Chablis à l’introuvable Montrachet, dont Pierre Perret débouche une bouteille chaque fois que je dîne chez lui à Nangis, on monte par le Meursault et le Corton Charlemagne la gamme des plus grands vins blancs du monde. Les crus de Chambertin et ceux de Vosnes-Romanée sont mes vins rouges préférés.

Entendons-nous bien, je ne chasserai pas celui qui viendrait me servir un Petrus ou un Cheval Blanc, je ne pousse pas le chauvinisme jusqu’au sacrifice, mais avec ces crus prestigieux et océaniques, je suis comme un invité. Dans la Côte de Nuit, je suis chez moi. J’y ai mes aises et mes habitudes. Intronisé en 1970 Chevalier du Taste-vin, j’ai gravi les échelons jusqu’à présider deux chapîtres avec le grade de Grand Officier. Promu « Roi Chambertin », j’ai goûté avec conscience tous les crus au long d’une matinée qui m’a laissé dans un état second. Je suis descendu dans les caves d’Henri Jayer à Vosnes-Romanée et exploré en détail celles de mon ami Charlopin à Cevrey-Chambertin. J’aime ces lendemains d’intronisation où les maisons des villages vous accueillent pour goûter, entre amis, le vin de l’année. J’ai le souvenir ému d’un gala que j’ai fait au Château de Vougeot. Après mon passage en scène, je me suis retrouvé avec les sommeliers qui venaient de débarrasser les bouteilles après le départ des convives. De larges tranches de pain de campagne, du jambon persillé et un Chambertin Clos de Bèze de 10 ans… Quel artiste au monde a jamais eu si royale collation à sa descente de scène.

Le travail qu’a fait Henri Cannard sur le Gevrey-Chambertin dans ce livre est une œuvre d’historien, de géographe et d’entomologiste. L’Historique des Grands Crus et des Premiers Crus, les procès, les attendus de jugement, les limites des parcelles et la composition des terrains, rien ne lui a échappé. Le seul mystère qu’Henri Cannard ne résout pas, c’est celui de savoir comment les moines du Xllle siècle avaient délimité ces crus. Comment ils savaient que là il y avait un arôme, un tanin, une harmonie en bouche qui n’était plus les mêmes 1,50 m plus loin. On sait aujourd’hui, pour avoir analysé les terres, qu’il y a davantage de calcaire, moins d’argile, voire plus de fer dans un terrain que dans son voisin… Comment les moines l’avaient-ils deviné ? Uniquement avec leur palais : Gloire leur soit rendue. Combien plus intelligent et plus utile au bonheur de l’homme était le lent travail sur la vigne des moines de Cîteaux que l’imbécile barbarie de ceux qui, à la même époque, incendiaient Béziers, brûlaient les Cathares et pillaient Byzance. Il est bien plus important pour le salut de l’humanité de savoir distinguer un Charmes-Chambertin d’un Chambertin Clos de Bèze que de combattre une hérésie. Je ne suis jamais entré dans le cellier du Château de Vougeot sans adresser, par la pensée, un témoignage de reconnaissance envers ces hommes d’église qui firent la renommée de la Côte.

Mais plus encore qu’œuvre d’Historien, Henri Cannard a fait avec ce livre un véritable acte d’amour. Chacun des lieux qu’il raconte, il l’a arpenté longuement, notant tous les détails, par passion l’historien du vin se fait guide.

Quand vous aurez fermé ce livre, vous voudrez connaître les lieux… puis, connaissant les lieux, découvrir ceux qui les habitent et bien entendu goûter ces vins auxquels ils consacrent leur existence. Vous ne serez pas Bourguignon pour autant, mais vous serez, comme moi, adopté. Cette adoption est douce, jamais conflictuelle et elle engendre des fêtes somptueuses. Nous nous retrouverons sans doute au cours de l’une d’elles, un verre de Chambertin en main. Nous nous reconnaîtrons sans qu’il soit besoin qu’on nous présente. Nous faisons partie de la même famille.

Jean Amadou


104 pages [Sommaire] [Présentation]
Franco France 31 euros TTC
Franco tous pays 38 euros
[Commander]
  • Livre en :
  • Français
Rechercher