Revue des Œnologues n° 154Articles Techniques http://www.oeno.tm.fr/all/wod/clst/3n11998_vRub/3x11986x11988x11990x11998.html 4d_11998 12020 3x11986x11988x11990x11998 http://www.oeno.tm.fr/WebObjects/SendPict/1468/pict.jpg http://www.oeno.tm.fr/WebObjects/SendPict/1469/pict.jpg 06/01/2015 Revue des Œnologues n° 154 Terroir : après une histoire d’eau, une histoire d’énergie André Crespy†
Ingénieur Agronome.
Il ressort de l’examen du concept de terroir qu’il s’agit, de façon prioritaire, d’un problème de circulation et de rationnement de l’eau dans l’ensemble sol/plante/atmosphère. Toutefois, toute vie demande de l’énergie pour accomplir et renouveler chaque année son cycle. Il faut donc s’intéresser à la source énergétique où la plante puise pour végéter et se reproduire : le soleil. Lors de l’examen des caractéristiques de l’atmosphère, nous avons parlé de la température comme reflet (ou mesure indirecte) de l’énergie reçue par la culture.
De nombreux auteurs (Ravaz, Branas, Huglin, Winkler) ont essayé de caractériser les milieux où l’on cultive la vigne. Si les auteurs français associent souvent température et insolation, les Anglo-saxons se sont beaucoup servi des sommes de températures moyennes pendant la période végétative (indice de Winkler). Cette notion, comparée aux besoins des cépages pour ce même critère permet, théoriquement, de définir des zones où l’on peut implanter des cépages de diverses époques de maturité (selon l’échelle de Pulliat).
L’indice de Winkler est très intéressant sur le plan de la mesure de l’énergie reçue à la parcelle (ou à la zone), mais il est muet sur la répartition de cette énergie durant la période débourrement – maturité. De même les fluctuations de la température au débourrement (risques de gel de printemps) à la floraison (risques de coulure) en été (risques de grillage ou d’échaudage) ou en automne (alternances des températures jour-nuit pour l’acquisition des anthocyanes) ne sont pas prises en compte.
Enfin, les conditions hivernales dans les zones continentales ou les zones soumises à des avancées du front polaire doivent être prises en compte. Pour mieux cerner le caractère « terroir » d’un lieu, il faut se retourner vers les exigences des vitis vinifera sur le plan climatique, hors problèmes de l’eau dont nous avons déjà parlé.
Période débourrement – boutons floraux séparés
Le zéro de végétation théorique de la vigne se situe à 10°, exprimé en température moyenne journalière (tmaxi + tmini/2). C’est pour cela que les indices (Huglin - Winkler) ne prennent en compte que les températures supérieures à 10 °C, dites températures actives. Le débourrement est déclenché, en principe, par le franchissement du seuil de 10°. Cependant, chaque cépage doit accumuler une certaine somme de températures actives pour que le débourrement soit visible : on parle alors de cépages à débourrement précoce (comme le chardonnay, le pinot noir, le chenin, le merlot) pour lesquels quelques jours à tmj > 10° suffisent, de cépages à débourrement moyen (cabernet, syrah) et de cépages à débourrement tardifs. Il est à noter que, dans l’esprit des vignerons, cette plus ou moins grande précocité de débourrement est associée à des dates moyennes de débourrement [et à un nombre de jours où tmj est supérieure à 10 °C : ainsi on parle de 4 à 5 jours pour le chardonnay, 10 à 15 jours pour la syrah, 25 à 30 jours le mourvèdre]. En réalité, il s’agit bien d’une somme de températures actives cumulées, fixe pour chaque cépage : environ 20 ° pour le chardonnay, 40° pour le syrah et 60 à 80° pour le mourvèdre.
N.B. : Au printemps 2002, la période de débourrement (du 15 au 25 mars) a vu se succéder une série de jours où la tmj a atteint 17 et 18°. Dans ces conditions, tous les cépages ont débourré en même temps, les sommes de températures actives étant atteintes en quelques jours pour tous les cépages, tardifs compris (données météo Languedoc).
Le réchauffement du sol dans sa partie superficielle où se trouvent les premières racines commande la reprise de circulation de la sève brute (les pleurs). Celle-ci démarre dès que le sol est à plus de 6 ou 7° dans la zone d’enracinement superficiel de la plante.
La recherche de la précocité de débourrement dans les secteurs géographiques où la culture de la vigne est limitée par la somme des températures actives est contrariée par le fait que le débourrement change radicalement la sensibilité des bourgeons aux basses températures : avant débourrement, la vigne supporte jusqu’à -15 à -18 °C, après, son appareil végétatif est vulnérable dès -1,5 °C. Ce changement limite considérablement la possibilité d’implanter la culture, puisqu’il faut trouver, à la fois, des parcelles précoces et non gélives. Étant donné le comportement de l’air froid (plus lourd, il coule en bas-fond délimitant ainsi les secteurs gélifs) la culture de la vigne va naturellement se réfugier sur les coteaux. Comme, seules les expositions est, sud et éventuellement sud-ouest sont susceptibles d’avoir des températures moyennes journalières supérieures à 10 °C tôt en saison, on les choisira. Si, de plus, le sol est caillouteux et léger (donc à réchauffement rapide), on sera dans la configuration idéale pour des vignobles à faible indice de Winkler. En effet, les sols lourds et froids, en retardant la période des pleurs, retardent le débourrement.
Pour atteindre le stade boutons floraux séparés qui précède de très peu le début de la floraison, la somme de températures actives nécessaires est de 180° pour la plupart des cépages. Nous pouvons observer, au passage, que cette somme de température correspond au moment des éclosions des œufs d’eudémis et de cochylis, ravageurs inféodés à la vigne, pour leur première génération annuelle. Les chenilles se nourrissent de boutons floraux, il faut donc qu’elles soient là quand ceux-ci sont bien formés. On remarquera également que le stade boutons floraux séparés correspond au moment où tous les cépages vinifera deviennent très sensibles aux attaques d’oïdium, en particulier de la grappe.
La recherche de situations à la fois précoces, peu gélives et avec une montée régulière des températures moyennes journalières au printemps a orienté les vignerons vers des zones proches de l’eau : l’eau, par sa masse, constitue un volant thermique remarquable empêchant les écarts préjudiciables. Ceci est particulièrement net pour les vignobles continentaux comme la Suisse (Léman), l’Autriche (Neusiedl) ou la Hongrie (Balaton).
On retrouve cette utilisation de régulateur de températures que joue l’eau, le long des grands fleuves (Rhin, Moselle, Rhône, Seine, Loire, Garonne, Dordogne).
On remarquera aussi, sur le plan historique, l’utilisation des voies d’eau pour le transport du vin, quitte à accepter quelques désagréments comme les brouillards fréquents en automne dans les basses vallées de la Garonne ou de la Dordogne. Ce handicap a d’ailleurs été brillamment exploité pour la production de liquoreux dans ces régions.

Terroir
Eau
Energie
Débourrement
Indice de Winkler
Floraison
Nouaison
Véraison
Maturité
Bilan énergétique
Cycle de l'eau
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