En 2014, l’Arménie devient le 46e État membre de l’OIV, un évènement pour sa vitiviniculture, appui au développement et reconnaissance de son vignoble, sans doute le plus ancien au monde. Pour cerner la situation actuelle et les perspectives de développement de la production vinicole, l’exemple de l’Arménie est comme un cas d’école, tant il focalise les processus à l’œuvre pour la valorisation de la vigne et du vin. L’éclairage sera surtout porté sur la valorisation des cépages dans une démarche de vin de qualité par l’innovation, l’émergence de petits vignobles paysans, dans une logique de savoir-faire traditionnels, la patrimonialisation de terroirs pour s’engager dans une « culture du vin », art du bien boire magnifiant une production identitaire.
Emblématique, le vignoble arménien est issu d’une longue histoire. La Bible (Genèse, IV à IX), par l’épopée de Noé, mentionnait déjà ce berceau de la vigne et du vin, comme l’attestent des traces archéologiques de vinification, datant de 6 100 ans, mises à jour en 2007 dans des grottes à proximité d’Areni. Après bien des vicissitudes historiques et, notamment, 70 années de collectivisation soviétique, le vignoble d’Arménie essaie de se reconstruire depuis l’indépendance du pays en 1990 . Les impératifs de l’économie libérale où la concurrence, inconnue sous l’URSS, tend à marginaliser certains vignobles, poussent à valoriser ceux qui ont pu être modernisés. C’est dans ce contexte, entre valeur patrimoniale de l’encépagement et adaptation aux normes du marché, par la qualité, que s’inscrit cette réflexion sur l’évolution d’une production qui fut jadis prospère (photos 1, 2).
Valorisation des cépages, entre tradition et innovation
L’Arménie peut s’appuyer sur de nombreux atouts : climatique, pédologique, topographique et un approvisionnement en eau issu du déstockage nival dans un contexte de haute montagne, auxquels s’ajoutent, les variétés de cépages indigènes de Vitis vinifera ponticus. La domestication de Vitis sylvestris, datée à Areni et en Grèce , ainsi que l’existence de matériel de vinification au Chalcolithique , marque le début de la tradition vitivinicole. L’encépagement, fruit de l’histoire ancestrale du vignoble arménien, est marqué par un endémisme remarquable, notamment le cépage Areni noir (Sev Malahi), connu depuis plus de 6 000 ans et unique par ses caractères originels, franc-de-pied, épargné par le phylloxéra. L’ampélographie révèle les valeurs sûres de la vitiviniculture d’Arménie. À l’Areni noir s’ajoutent d’autres cépages indigènes, Voskehat, Tchilar, Lalvari notamment, complétés par des variétés exogènes, le Kangun, issu de recherches génétiques sous l’URSS, le Saperavi, de Géorgie, ainsi que Chardonnay, Cabernet, Merlot, Petit Verdot, Syrah, aujourd’hui répandus dans toutes les régions vitivinicoles (figure 1, photo 4).
Le vignoble d’Arménie est à l’origine de trois types de production : le vin, le brandy ou « cognac arménien » et le raisin de table. Les données de la production témoignent d’un réel essor depuis 2004-2006, dû, en particulier, à la relance ou à la création d’unités de vinification, qui assurent des débouchés aux vignerons et contribuent à la valorisation de cette culture identitaire. Une quarantaine d’entreprises (vin et brandy) jouent un rôle majeur dans l’évolution du vignoble. La plus emblématique est Yerevan Brandy Company, ou « Ararat » créée au début du XXe siècle, puis collectivisée sous l’URSS et rachetée par Pernod-Ricard en 1997. Elle initia alors une démarche de qualité, innovante, par une sélection drastique des raisins et des contrats aux producteurs.
L’avenir de la vigne et du vin en Arménie tient à quelques démarches décisives. L’innovation, en matière de technologies de vinification ou de conduite du vignoble, est surtout le fait des nouvelles entreprises à capitaux étrangers, de la diaspora surtout, qui investissent dans le foncier, achètent ou créent des exploitations et introduisent des pratiques de conduite du vignoble et des « process » de vinification normalisés. Le vin Karas est produit par une entreprise arméno-argentine, « Tierras de Armenia », sur 450 ha dans la région semi-désertique d’Armavir (Malbec, Cabernet, Petit Verdot, Syrah, Chenin et Areni) (photo 3).
L’Armenia wine factory, gérée par un Français, mise sur des cépages autochtones et sur le Kangun, à Ashtarak. Près d’Areni, à Rind, un arméno-italien effectue une percée au niveau international avec son vin, le « Zorah karassi », gardé en jarres de terre traditionnelles, les « karas ».

Ardilllier-Carras, F. 2014- La renaissance vitivinicole en Arménie, berceau de la vigne et du vin . Colloque de l’OIV (Office International du Vin), Mendoza, Argentine 37th World Congress of Vine and Wine and 12th General Assembly of the OIV, 05006 (2014) Publié en ligne : 4 novembre 2014 DOI: http://dx.doi.org/10.1051/oivconf/201405006
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